SUPERVEILLE : L'ARBRE
Introduction (Caractéristiques du poème) :
Il y avait autrefois de l'affection, de tendres sentiments,
C'est devenu du bois.
Il y avait une grande politesse de paroles,
C'est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage.
Il y avait de jolis habits autour d'un cœur d'amoureuse
Ou d'amoureux, oui, quel était le sexe?
C'est devenu du bois sans intentions apparentes
Et si l'on coupe une branche et qu'on regarde la fibre
Elle reste muette
Du moins pour les oreilles humaines,
Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances
Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite fourmi.
Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous les sens,
Tout en restant immobile !
Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route,
Il voudrait en faire une espèce d'oiseau bien plus grand que nature
Parmi les autres oiseaux
Mais lui ne fait pas attention,
Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons,
Et regarder, pour mieux se taire,
Écouter les paroles des hommes et ne jamais répondre,
Il faut savoir être tout entier dans une feuille
Et la voir qui s'envole.
Plan :
Hypothèse de lecture : Image de l'arbre comme un ami inconnu
I - L'arbre, comme l'homme, connaît la mort, la sclérose, le vieillissement
Introduction (Caractéristiques du poème) :
- Poème écrit par Jules Supervielle en 1934. La problématique du recueil est l'intimisme métaphysique.
- Ce qui caractérise l'arbre (titre du poème) est qu'il est l'intermédiaire entre la terre et le ciel. L'homme peut-être à l'image de l'arbre, une sorte de pont entre le monde matériel dans lequel il vit et le ciel. En fait, si l'arbre fascine tellement l'homme, c'est que quelque part il lui ressemble.
- En effet, l'arbre est lui aussi voué au drame de la vie : la mort. Il est contemplation, fascination, méditation.
- Le
poème va du passé vers le présent : Il commence par "Il y avait" et "où
passe une petite fourmi" marque une rupture avec le passé.
- 1er volet : On va de l'homme à l'arbre.
- 2nde volet : On va de l'arbre à l'homme (contemplation).
- Ce qu'on dit du bois se dit aussi du coeur humain ; Bien que nous soyons comme l'arbre à des égards il est mieux que nous car il sait résister au temps.
- Les vers sont libres, et la plupart du temps pairs.
Il y avait autrefois de l'affection, de tendres sentiments,
C'est devenu du bois.
Il y avait une grande politesse de paroles,
C'est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage.
Il y avait de jolis habits autour d'un cœur d'amoureuse
Ou d'amoureux, oui, quel était le sexe?
C'est devenu du bois sans intentions apparentes
Et si l'on coupe une branche et qu'on regarde la fibre
Elle reste muette
Du moins pour les oreilles humaines,
Pas un seul mot n'en sort mais un silence sans nuances
Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite fourmi.
Comme il se contorsionne l'arbre, comme il va dans tous les sens,
Tout en restant immobile !
Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route,
Il voudrait en faire une espèce d'oiseau bien plus grand que nature
Parmi les autres oiseaux
Mais lui ne fait pas attention,
Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons,
Et regarder, pour mieux se taire,
Écouter les paroles des hommes et ne jamais répondre,
Il faut savoir être tout entier dans une feuille
Et la voir qui s'envole.
Plan :
Hypothèse de lecture : Image de l'arbre comme un ami inconnu
- I. L'arbre comme l'homme connaît la mort, l’expérience de la sclérose, le vieillissement.
- II. Mais l'arbre peut nous apprendre à durer, mieux résister au néant.
I - L'arbre, comme l'homme, connaît la mort, la sclérose, le vieillissement
- Marqueurs temporels puissants : "il y avait autrefois" + utilisation du passé dans la formule : on va de l'homme à l'arbre.
- Champ lexical du sentiment : "affection, coeur d'amoureuse" qui évoque la possibilité que le couple ne s'aime plus, que l'amour s'est estompé.
- Dureté des sentiments : rapport au bois où le sang ne passe pas (pas de sentiment). La dégradation suggère un couple d'humains qui se défait, il n'y a plus d'amour, plus de communication.
- "sans intentions apparentes" : L'apparence peut ressembler à un comportement où l'amour persiste mais il n'y a rien derrière. L'accent est ici mis sur l'arbre (on sent oublier le couple).
- Approche métaphorique de l'arbre : personnification => "Si on coupe une branche muette" => La vie n'est plus là, la sève n'est plus là. Il y a une personnification mais ausi un silence négatif qui après devient positif (dans le second volet).
- Clin d'oeil d'humour du poète : Il fait comme si il avait oublié la différence entre le coeur humain et le coeur de l'arbre.
- Phrase finale un peu molle marquée par un seul mot : "fourmi". C'est la première rime masculine du poème, avec une sonorité pointu qui nous réveille, nous remet à flot.
- Hyperbolisation : "silence sans nuances, pas un seul mot" + intensité des silences. Et d'un seul coup, contrepoids avec une rime en "i". La fourmi correspond à la survie, la besogneuse. Ce n'est pas un hasard : Tant qu'il y a un peu de vie, il faut la vivre et lui donner tout son prix.
- La fourmi est en quelque sorte l'étincelle de vie sur cette branche qui est desséchée.
- Second volet : On passe de la méditation à la contemplation / D'un mécanisme au passé à un au présent / De l'arbre à l'homme (parallélisme intéressant).
- Lexique du mouvement : "contorsionner, aller dans les sensé" : L'arbre est vivant, agité par le vent. Il est d'ailleurs personnifié par le terme "contorsionné".
- L'arbre est comme nous mais a aussi des avantages sur nous.
- Simultanément, il bouge mais est "immobile" : Il est l'intermédiaire entre le monde matériel et le monde spirituel. Son immobilité fait sa force.
- Le vent est assimilé à une voie, il est facteur d'illusion : "par là-dessus le vent essaye d'introduire sa vérité => Il veut faire croire à l'arbre qu'il va lui permettre de s'envoler, qu'il n'est que spiritualité. (Oiseau = spiritualité).
- Même si l'arbre comme nous est destiné à mourir, il a cependant subi les quatre saisons.
- La contemplation est intense, le silence est ici positif : "regarder pour mieux se taire" => Combien de communications inutiles voire dangereuses viennent nous détourner de l'essentiel ? On regarde la feuille, on la voit s'envoler. Il n'y a pas de mot supplémentaire, ni d'émotion car l'essentiel est d'avoir été la feuille en vie (acceptation de la finitude = la mort). L'utilisation du verbe "voir" est d'ailleurs très simple.
- Fin du vers :
- Résignation : Conseil de Supervielle : Limiter, éviter les communications inutiles.
- Grandeur : On doit revendiquer ce passage là, cette recherche du sens de la vie.