CANDIDE – Résumé chapitre par chapitre
Chapitre 1. Le château du baron de thunder-ten-tronckh en Allemagne. Candide,
un jeune homme dont la naissance est suspecte, sans richesse, est
l’élève du philosophe Pangloss, optimiste qui croit en la perfection du
monde. Candide tombe amoureux de Cunégonde, la fille du baron, ce qui
provoque son éviction du Château.
Chapitre 2. Candide est forcé de rejoindre l’armée bulgare. Il tente de s’échapper et est fouetté pour désertion.
Chapitre 3. Guerre entre les Bulgares et les Arabes.
Candide se cache pendant la bataille, puis s’enfuit. Sans ressources et
affamé, il est contraint de quémander sa nourriture. Jacques, en bon
anabaptiste, le nourrit, lui donne un logement et un emploi.
Chapitre 4. Candide rencontre Pangloss, lequel est
atteint de la syphilis et raconte que Cunégonde Candide a été violée.
Jacques paye pour guérir Pangloss. Jacques, Candide et Pangloss partent
pour Lisbonne.
Chapitre 5. Jacques tombe à la mer pendant le
voyage. Pangloss retient Candide de porter secours à Jacques, arguant
que c’est la volonté de Dieu qu’il se noie ainsi. Ils arrivent au
Portugal juste après le grand séisme.
Chapitre 6. Pangloss et Candide sont arrêtés par
l’Inquisition. Pangloss est pendu et Candide est fouetté lors d’un
autodafé qui est censée prévenir les futurs séismes.
Chapitre 7. Une vieille femme aide Candide à retrouver Cunégonde, qui a survécue à son viol.
Chapitre 8. Cunégonde raconte à Candide sa terrible
histoire et la manière dont elle appartient à un Juif, Don Issachar et
le Grand Inquisiteur.
Chapitre 9. Candide tue Don Issachar et le Grand Inquisiteur pour venger Cunégonde, puis fuit le Portugal.
Chapitre 10. Candide, Cunégonde et la Vieille s’enfuient vers l’Amérique du Sud.
Chapitres 11-12. La vieille femme raconte son histoire à Candide et à Cunégonde.
Chapitre 13. Le gouverneur de Buenos Aires demande Cunégonde en mariage et ordonne l’arrestation de Candide.
Chapitre 14-15. Candide et Cacambo, son serviteur, fuient vers le Paraguay.
Chapitre 16. Candide et Cacambo rencontrent les jeunes filles autochtones et de leurs amants singe.
Chapitre 17. Candide et Cacambo arrivent à l’Eldorado.
Chapitre 18. Un vieil homme présente Eldorado à Candide, monde merveilleux, mais Candide veut retrouver Cunégonde.
Chapitre 19. Ils arrivent au Surinam Candide
rencontre un nègre mutilé. Candide pleure et renonce à son optimisme.
Candide envoie Cacambo à la recherche de Cunégonde. Martin remporte la
palme de la misère.
Chapitre 20. Candide et Martin partent pour la
France. Martin est un pessimiste total – il pense que Dieu a abandonné
le monde au mal absolu.
Chapitre 21. Candide et Martin discutent de la corruption morale des Français.
Chapitre 22. En France, Candide est courtisé pour ses richesses (ramenées de l’Eldorado).
Chapitre 23. Candide et Martin passent par
l’Angleterre, et assiste à l’exécution d’un militaire, accusé de ne pas
tuer suffisamment d’ennemis.
Chapitre 24-25. À Venise, Candide rencontre Paquette
(la maîtresse de Pangloss au château du baron, responsable de la
siphylis contractée par Pangloss) et Giroflée, son amant, un moine.
Chapitre 26. Cacambo réapparaît – il est un esclave maintenant. Cacambo raconte à Candide que Cunégonde est à Constantinople.
Chapitre 27. Candide libère Cacambo et part avec lui à Constantinople.
Chapitre 28. Pangloss raconte son histoire, malheureuse, mais son optimisme résiste.
Chapitre 29. Candide retrouve Cunégonde, désormais
laide. Il libère Cunégonde et la vieille femme. Mais le baron refuse
toujours de donner la main de Cunégonde à Candide.
Chapitre 30. Candide se débarrasse du baron puis il
épouse Cunégonde. Puis il rencontre un Turc qui le convainc de
l’inutilité de la philosophie.
Chapitre I : La Vesphalie, le paradis
Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour le
jeune Candide, docile et ingénu. Le baron de Thunder-ten-tronckh, l’« un
des plus puissants seigneurs de la Vestphalie », et probablement son
oncle, l’a accueilli dans un château protégé et clos, qui fait rempart à
toute violence extérieure. Candide est secrètement amoureux de
Cunégonde, la fille du baron et de la baronne. La félicité est absolue,
jusqu’au drame : Candide et Cunégonde sont surpris par le baron dans
leurs ébats, Candide est chassé du paradis, et l’aventure commence.
Candide n’aura de cesse de retrouver Cunégonde, objet d’une quête qui le
révélera peu à peu à lui-même.
À travers les yeux de Candide, le château protecteur renvoie à un âge
d’or où l’abondance et l’équilibre apparents dispensent d’une réflexion
plus aboutie que la philosophie de Pangloss, précepteur de la maison. Ce
paradis se révèle cependant artificiel : l’exclusion du héros ouvre la
boîte de Pandore, et l’idéologie qui animait cet univers ne résiste pas
longtemps aux tempêtes.
Voltaire inscrit d’emblée le conte dans une référence commune qu’il va
s’appliquer à déconstruire à travers un voyage où le héros se trouve
successivement confronté à tous les malheurs du monde, puis aux
turpitudes de l’âme humaine.
Chapitre II
Seul et désemparé, Candide rencontre dans la ville voisine de
Valdberghoff-trarbk-dikdorff, à la porte d’un cabaret, deux recruteurs
de l’armée du roi des Bulgares qui l’enrôlent aussitôt, au seul motif
que Candide mesure « cinq pieds cinq pouces de haut ». Après des débuts
difficiles, Candide, peu au fait des usages militaires, déserte avant
d’être rattrapé et conduit au cachot. Un choix lui est offert : « être
fustigé trente-six fois par tout le régiment, ou recevoir à la fois
douze balles de plomb dans la cervelle ». Candide choisit le fouet, puis
les balles, avant d’être sauvé par le roi des Bulgares, sensible à ce
jeune métaphysicien « fort ignorant des choses de ce monde ».
Chapitre III : En Hollande, la guerre
Candide, séduit dans un premier temps par le spectacle de la
bataille, se met à trembler devant ce qui, à ses yeux, devient vite une
« boucherie héroïque » qui conduit le héros à se cacher avant de
s’enfuir en enjambant les cadavres. Il arrive en Hollande, tente de
mendier pour manger, et rencontre, après quelques échanges malheureux
sur la religion, l’anabaptiste Jacques qui le nourrit et lui propose un
travail dans une manufacture d’étoffes. Il va croiser « un gueux tout
couvert de pustules »…
C’est avec une ironie grinçante que Voltaire propose une représentation
de la guerre qui dénonce la brutalité et l’inconséquence militaires,
tout autant que le désastre d’un système de pensée en total décalage
avec le monde qu'il tente d'expliquer. Le sujet est d’actualité, alors
même que la guerre de Sept Ans (1756-1763) fait rage en Europe et dans
les colonies d’Amérique du Nord : les dommages humains considérables
conduiront à une réorganisation des forces en présence.
Chapitre IV
Le « gueux tout couvert de pustules » se révèle être Pangloss, à bout
de forces, malade de la vérole et dans l’incapacité de se soigner. Il
informe Candide de la destruction du château après son départ, de la
mort du baron, de la baronne, de leur fils, et, surtout, de Cunégonde.
Le paradis n’est plus. Candide s’interroge : « Ah ! Meilleur des mondes,
où êtes-vous ? », tout en restant fidèle aux certitudes de Pangloss qui
s’évertue à justifier jusqu’à la vérole qui le tue. Jacques, le bon
anabaptiste, parvient à guérir Pangloss et le prend avec Candide à son
service.
Ils embarquent ensemble pour Lisbonne et affrontent une terrible tempête
à l’approche du port. L’optimisme du philosophe est confronté à
l’épreuve des faits. Les personnages s’obstinent cependant, ce n’est que
le début du voyage…
Chapitre V : Lisbonne, au nom de Dieu
Les catastrophes s’enchaînent : la tempête anéantit le vaisseau et
ses passagers ; l’anabaptiste Jacques périt d’avoir aidé un matelot qui
le laisse se noyer. Seuls Pangloss et Candide survivent, pour être
aussitôt exposés au tremblement de terre qui détruit Lisbonne et écrase
ses trente mille habitants. « Quelle peut être la raison suffisante de
ce phénomène ? » s’interroge Pangloss.
Voltaire met en scène le tremblement de terre de Lisbonne survenu le 1er
novembre 1755 : l’événement bouleverse profondément les mentalités.
Capitale d’un pays réputé pour sa foi catholique, Lisbonne ne semblait
pas mériter ce châtiment. Pourquoi une pareille catastrophe le jour
d’une fête catholique ? La philosophie du XVIIIe siècle ne s'explique pas une telle manifestation de colère divine. L’Inquisition s’acharne, en vain, à chercher des coupables.
Chapitre VI
Afin d’empêcher les tremblements de terre, des hommes sont brûlés
pour des raisons absurdes ; Pangloss et Candide sont proches de subir un
sort identique : Pangloss est pendu, et Candide, fouetté. Cette
cérémonie n’empêche en rien un nouveau séisme, le soir même. Une parodie
de raisonnement tente d’enchaîner les liens de cause à effet. Mais
Candide s’interroge : dans un grand désarroi, il voit s’ébranler ses
certitudes…
Chapitre VII : En mer, l’art du récit
Candide est sauvé par une vieille femme, personnage symbolique qui
revient plusieurs fois au cours du voyage. Comme l’anabaptiste, la
vieille lui permet de se soigner, de se nourrir et de s’habiller. Elle
le conduit vers une jeune fille, que Candide dévoile : « Quel moment !
Quelle surprise ! Il croit voir mademoiselle Cunégonde, il la voyait en
effet, c’était elle-même ». Coup de théâtre ! Ce ne sera pas le dernier
puisqu’à la logique de causalité de Pangloss, la narration oppose la
surprise et le retour de personnages qui semblaient, a priori,
écartés du périple. Le désastre du château est raconté une seconde fois
par Cunégonde ; récit enchâssé qui laisse entrevoir une autre histoire,
parallèle à celle suivie par le lecteur depuis le chapitre II.
Le conte s’inscrit dans une tradition qui emprunte à la fois au roman
d’apprentissage, au récit initiatique, sentimental, comique… Voltaire
s’inspire de ces traditions, pour les détourner doublement : non
seulement il les parodie mais il les récupère pour élaborer une pensée
philosophique. L’auteur joue aussi en virtuose des procédés narratifs
par le biais des ellipses, des récits enchâssés, des changements de
perspective qui confèrent à la narration une densité de contenu et une
liberté de ton.
Chapitre VIII
Cunégonde se lance dans un récit aux nombreuses péripéties : suite à
l’attaque du château, elle tombe sous le joug d’un capitaine bulgare qui
la revend à un trafiquant, Don Issachar. Celui-ci la partage depuis six
mois avec le grand inquisiteur. Ces malheurs en série la conduisent à
remettre en cause la philosophie de Pangloss.
Chapitre IX
Don Issachar n’apprécie guère la présence de Candide et la
perspective d’un second rival : il le menace d’un poignard ; Candide
brandit une épée et abat son adversaire. L’inquisiteur surgit ; Candide
commence à raisonner, l’épée à la main et tue l’inquisiteur. Pour une
nature si peu belliqueuse, c’est là un changement radical. Candide
s’explique : « Ma belle demoiselle, […] quand on est amoureux, jaloux et
fouetté par l’Inquisition, on ne se connaît plus ». La vieille les
exhorte à l’action et ils s’éloignent sur des chevaux andalous avant
l’arrivée de la Sainte-Hermandad, la police régionale. Ils gagnent alors
la ville d’Avacena dans les montagnes de la Sierra Morena.
Chapitre X
Les dernières richesses de Cunégonde ont été volées ; le trio est
dans l’embarras : « Quel parti prendre ? », s’interroge Candide. Ils
vendent l’un des trois chevaux et arrivent à Cadix. Une flotte s’apprête
à partir pour le Paraguay afin de combattre des révérends pères
jésuites : Candide convainc le général de ses compétences militaires et
devient capitaine d’un équipage. Cunégonde, la vieille, et deux valets
embarquent, avec deux chevaux, pour le Nouveau Monde, avec l’espoir que
celui-là sera meilleur. L’espace est clos ; le temps est alors au
récit : la vieille raconte son histoire.
Chapitre XI : En mer, le malheur des femmes
Fille du pape Urbain X et de la princesse de Palestrine, la vieille
déroule son histoire sur le mode superlatif : palais, robes, talents,
grâces… tout surpasse en beauté l’univers de référence de Candide et
Cunégonde, le château de Thunder-ten-tronckh. L’avenir s’annonçait
radieux, porté par un mariage prévu avec le prince souverain de Massa
Carrara. À cette perspective idyllique répond une chute brutale : le
fiancé meurt, un corsaire attaque, et elle est capturée avec sa mère.
L’arrivée au Maroc assombrit davantage encore le tableau : les
combattants s’opposent et se disputent le butin, entraînant la mort de
la princesse et de tous les prisonniers, à l’exception de la vieille,
laissée pour morte.
Non seulement la fidélité aux prières ne prémunit pas contre les pires
horreurs, mais le récit souligne encore l’injustice et le malheur que
subissent les femmes. Asservies aux hommes, éloignées des fonctions
sociales, volontiers tenues responsables des misères humaines, elles
peinent à exister.
Quelques années avant la Révolution française, Voltaire s’interroge sur la place des femmes dans la société.
Chapitre XII
La vieille poursuit un récit qui propose une vision extrêmement
sombre de la nature humaine. Elle survit à la peste et, vendue comme
esclave, passe, au fil des transactions, de Tunis à Tripoli,
d’Alexandrie à Smyrne, de Constantinople à Moscou. Elle y perd une fesse
en pleine famine, sacrifiée pour satisfaire les soldats turcs. Devenue
la servante de Don Issachar, elle rencontre alors Cunégonde.
Trahison, anthropophagie, suicide sont abordés dans ce périple vers le Nouveau Monde : autant de questions débattues au XVIIIe siècle. L’ironie de la narration favorise la construction d’une distance critique.
Chapitre XIII
L’histoire de la vieille fait école, et le vaisseau avance au fil du
récit des voyageurs. Ils arrivent finalement à Buenos Aires, et y
rencontrent le gouverneur qui s’empresse de demander Cunégonde en
mariage. La vieille encourage cette dernière à accepter « d’épouser
monsieur le gouverneur et de faire la fortune de monsieur le capitaine
Candide ». Mais le passé les rattrape, et ils risquent la mort pour
avoir tué le grand inquisiteur. Candide fuit, Cunégonde reste ; leur
chemin se sépare pour la deuxième fois.
Chapitre XIV
Candide est accompagné dans sa fuite par un valet nommé Cacambo. « Il
avait été enfant de chœur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat,
laquais » : voilà un compagnon de choix pour un Candide en pleine
évolution. Homme d’action plein d’allant, il encourage son maître :
« quand on n’a pas son compte dans un monde, on le trouve dans un
autre ». Au Paraguay, chez les jésuites, Candide reconnaît dans le
commandant le frère de Cunégonde, le fils du baron, miraculeusement
rescapé du massacre du château.
Chapitre XV
Le fils du baron raconte – C’est la troisième fois pour le lecteur –
l’invasion du château par l’armée bulgare et comment, tenu pour mort, il
fut sauvé par un jésuite. Les retrouvailles se déroulent sous les
meilleurs auspices, le baron qualifiant Candide de « frère » et de
« sauveur ». Les relations se dégradent cependant lorsque Candide fait
part de son souhait d’épouser Cunégonde : fidèle aux valeurs familiales,
le baron refuse catégoriquement, car Candide n’a pas les quartiers de
noblesse requis. Candide tente d’argumenter et de défendre l’attachement
de Cunégonde à son égard, mais, devant l’obstination du baron, il n’a
d’autre choix que de le tuer. Habillés en jésuites, Candide et Cacambo
parviennent à s’enfuir.
Chapitre XVI : Au Pays des Oreillons, Images de l’autre
Tout inquiète en terre inconnue, tout particulièrement « l'autre »,
menaçant par son étrangeté, soupçonné de mœurs barbares. Candide abat
deux singes à la poursuite de deux femmes nues… Il s'agit semble-t-il de
leurs amants ! Candide et Cacambo sont ligotés pendant leur sommeil et
vont être mangés par les habitants des lieux, les Oreillons, qui les
prennent pour des Jésuites. L'agressivité contre les Jésuites qui les
ont dépossédés de leur territoire tombera dès qu'il sera clair que
Candide n'est pas jésuite : ils seront dès lors traités avec tous les
égards.
Là où jusqu'alors les Européens voyaient des "sauvages", le siècle des
Lumières veut voir des êtres humains, égaux en droit quelle que soit
leur race. Aussi n'est-ce pas sans ironie que Voltaire décrit ici les
mœurs les plus extrêmes fantasmées par les Européens, de
l'anthropophagie à la zoophilie.
Chapitre XVII
L’Eldorado est découvert par Candide et Cacambo au hasard de ce
périple en Amérique du Sud. Les expériences douloureuses du Nouveau
Monde ont convaincu Cacambo de retourner en Europe, mais les deux
protagonistes n’ont d’autres choix que de poursuivre leur route, et
s’embarquent à l’aventure dans une petite barque en se recommandant à la
Providence. Le canot finit par se fracasser contre des écueils qui
ouvrent la porte de l’Eldorado : « C’est probablement le pays où tout va
bien ; car il faut absolument qu’il y en ait un de cette espèce »,
espère Candide.
Chapitre XVIII : L'Eldorado, utopie et société idéale
Pas de cour de justice, de parlement, ni de prison dans ce pays, mais
un palais des sciences, des libertés individuelles reconnues, avec
interdiction, pour les habitants, de sortir de ce royaume. Candide et
Cacambo décident pourtant d’en partir, parce que Cunégonde manque à l’un
d’eux, et que la richesse leur ouvre des perspectives.. Une machine est
spécialement construite pour les conduire de l’autre côté des
montagnes, accompagnés de cent moutons chargés de vivres, de présents,
d’or et de pierreries.
L’Eldorado tient une place essentielle dans le conte, puisqu’il en
marque le milieu, à la fois point d’aboutissement d’un parcours et point
de départ du voyage de retour : Candide découvre un autre modèle de
gouvernement et de bonheur qui se substitue au château initial.
Cependant, le lieu, aussi doré soit-il, ne comble pas toutes les
attentes. Entre utopie et construction politique, il reste du chemin à
parcourir pour créer son propre jardin : la société idéale est un sujet
d’interrogation majeur du XVIIIe siècle.
Chapitre XIX : Le Surinam, l’esclavage
Candide et Cacambo quittent l’Eldorado chargés d’or et de rêves. Mais
ils perdent vite leurs richesses et doivent renoncer à s’acheter un
royaume. Aux abords du Surinam, la rencontre avec un esclave noir dans
un état pitoyable achève de leur enlever leurs illusions. On l’a amputé
de la main droite et de la jambe gauche : « c’est à ce prix que vous
mangez du sucre en Europe ».
Ce violent réquisitoire contre l’esclavage s’inscrit dans un vaste
mouvement d’opinion qui dénonce cette pratique. Il faudra, en France,
attendre 1848 pour que l’esclavage soit définitivement aboli.
Chapitre XX : Buenos-Aires, Mal physique, mal moral
Candide a chargé Cacambo de passer à Buenos Aires pour racheter
Cunégonde et la vieille, tandis qu'il se rend directement à Venise.
Désespéré par le vol de ses dernières richesses, il décide d’emmener
avec lui l’homme le plus malheureux de la province. Il choisit, parmi
une foule de prétendants, le philosophe Martin. Tandis que le vaisseau
vogue vers Bordeaux, les deux compagnons de voyage discutent quinze
jours durant, du mal physique et du mal moral. Le combat naval qui
s’achève par le naufrage du bateau pirate qui a volé tous les biens de
Candide alimente leurs débats : s’il punit l’immoralité du capitaine, il
engloutit dans le même temps des centaines d’innocents. Ironie du
sort : seul un mouton en réchappe !
Le mal est partout : cruauté des hommes, injustice de la religion,
désastre naturel, incohérence politique. La question du mal, en étroite
relation avec la question de Dieu, alimente toute la réflexion
philosophique du XVIIIe siècle.
Chapitre XXI
Aux abords des côtes françaises, Candide expose son projet :
rejoindre Venise depuis Bordeaux. Nulle curiosité de sa part après un
mois passé dans l’Eldorado, d’autant que les commentaires de Martin sur
les Français sont sans appel. Candide veut atteindre l’Italie pour y
attendre Cunégonde ; Martin accepte de le suivre pour son argent. La fin
du voyage est l’occasion de questions de Candide à Martin sur la
pérennité du mal et sur la possibilité du bien. Son raisonnement
s’affine : il est question en dernier lieu du libre arbitre.
Chapitre XXII : Paris, jeux de société
Candide et Martin se rendent finalement à Paris. Voltaire met en
scène une satire de la vie parisienne en évoquant successivement
l’absence de reconnaissance sociale dont souffrent les actrices, la
cruauté des critiques, les jeux d’argent et la perfidie des
conversations mondaines : « d’abord du silence, ensuite un bruit de
paroles qu’on ne distingue point, puis des plaisanteries dont la plupart
sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu
de politique et beaucoup de médisance ». Tout au long du chapitre,
Candide est trompé ; il part finalement pour Dieppe puis Portsmouth sans
renoncer à rejoindre un jour Venise.
Le Paris présenté est futile et superficiel, mondain et trompeur. Le jeu
y occupe une place de choix, en relation avec une société des Lumières
où les jeux d’argent, licites ou illicites, ont envahi l’espace urbain
et gagné toutes les couches de la société. Les formes en sont variées :
cabarets et billards, académies tolérées et tripots clandestins, bureaux
de loterie… Rien à voir avec le Paris populaire que mettra en scène la
littérature du XIXe siècle.
Chapitre XXIII
Sur fond d’explication de la guerre qui oppose à grands frais les
armées anglaise et française pour une terre canadienne fort éloignée,
l’arrivée à Portsmouth coïncide avec l’exécution d’un amiral qui
bouleverse Candide : l’homme périt de n’avoir pas provoqué assez de
morts en affrontant l’ennemi. Candide refuse de descendre du navire et
arrange au plus vite un départ pour Venise, toujours conduit par le
désir de retrouver Cunégonde.
Chapitre XXIV
Cacambo et Cunégonde ne sont pas au rendez-vous vénitien, et Candide
sombre dans la mélancolie, prêt à succomber au pessimisme de Martin :
« Que vous avez raison, mon cher Martin ! Tout n’est qu’illusion et
calamité. » Les idées sombres ne résistent pas, cependant, à la vision
plaisante d’un moine théatin, frère Giroflée, avec une fille à son bras.
Celle-ci se révèle être Paquette, la servante du château de
Thunder-ten-tronckh. Derrière l’image du couple amoureux, se cache la
sordide histoire d’un moine défroqué et d’une misérable prostituée,
ravagée par la maladie. Candide s’obstine toutefois à croire à l’amour
et continue à attendre un improbable retour de Cunégonde.
Chapitre XXV : Venise, masques et carnaval : l'inversion des valeurs
Le seigneur vénitien, Pococurante, « un homme qui n’a jamais eu de
chagrin », retient l’attention de Candide et de Martin. Il passe en
revue la peinture, la musique, l’opéra, la littérature, la poésie, les
sciences, le théâtre, la philosophie, les jardins… L’homme est revenu de
tout : l’opéra ? Des chansons ridicules ! Un concerto ? Du bruit qui
fatigue tout le monde ! Homère ? Rien que des batailles ! Candide
s’interroge : peut-il y avoir du plaisir à n’avoir pas de plaisir ?
Ville de carnaval, Venise est la ville de l’inversion des valeurs.
Voltaire en fait un décor de choix pour un personnage blasé, un
anti-Casanova dans une ville multiforme, singulière et inattendue.
Chapitre XXVI : Venise, pouvoir et rois déchus
Cacambo surgit brusquement au cours d’un dîner et révèle que
Cunégonde se trouve à Constantinople : lui-même est esclave et exhorte
Candide à se tenir prêt au départ. Ce rebondissement n’est pas la seule
surprise d’un épisode mystérieux, au cœur du carnaval de Venise qui
inverse les rôles entre maîtres et valets. Les six compagnons de Candide
et de Martin lors de ce dîner se révèlent être des rois déchus qui
narrent tour à tour leur parcours malheureux : le sultan Achmet III,
Ivan, empereur de toutes les Russies, le roi d’Angleterre,
Charles-Edouard, deux rois des Polaques et, enfin, Théodore, roi de
Corse. Tous sont venus à Venise pour le Carnaval, et tous sont déchus de
leur pouvoir.
Voltaire convoque ici des figures historiques qui incarnent la vanité et
le caractère éphémère du pouvoir : l’épisode participe de la réflexion
politique du philosophe sur la notion de gouvernement qui constitue l’un
des fils conducteurs de Candide, bien sûr, mais aussi du Dictionnaire philosophique.
Du système hiérarchique aristocratique qui règne au château dont
Candide est exclu, à l’organisation communautaire du jardin dont le
baron est chassé, c’est une réflexion sur la place de l’individu dans le
système qui le gouverne et l’émergence de l’homme social qui se
déploie.
Chapitre XXVII
En route vers Constantinople, Cacambo décrit la situation de
Cunégonde : esclave dans la maison d’un ancien souverain sur le rivage
de la Propontide, « chez un prince qui a très peu d’écuelles », « elle
est devenue horriblement laide ». Candide se soucie peu de cette
évolution, mais s’interroge sur l’usage de la fortune, dilapidée selon
un schéma désormais classique dans le conte : rachat de la personne
humaine, piraterie, errance, esclavage. Cacambo est racheté par Candide,
et le petit groupe retrouve au hasard de la traversée le frère de
Cunégonde et Pangloss, devenus tous deux galériens. Les derniers
diamants de l’Eldorado libèrent les deux malheureux, et tous repartent
vers la Turquie pour délivrer Cunégonde.
Chapitre XXVIII
Le baron et Pangloss racontent leur histoire : l’un, réchappé du coup
d’épée de Candide, devenu aumônier avant d’être condamné aux galères ;
l’autre, pendu, disséqué, un temps laquais, avant d’être à son tour
condamné aux galères. Devant ces injustices nées de l’intolérance et de
la superstition, Candide, à présent capable de discernement, interroge
Pangloss : « avez-vous toujours pensé que tout allait le mieux du
monde ? ». Pangloss est formel : son jugement n’a pas évolué.
Chapitre XXIX
Narration des aventures, raisonnement sur les effets et les causes,
interrogation sur le mal moral et sur le mal physique, sur la liberté et
la nécessité, portent les protagonistes jusqu’à la maison du prince de
Transylvanie, où ils retrouvent, enfin, Cunégonde et la vieille. Cacambo
avait dit juste : Cunégonde est bien laide et Candide s’en émeut avec
élégance. Le fils du baron n’a pas changé : il refuse toujours
radicalement une possible union entre Cunégonde et Candide, malgré les
larmes de sa sœur, et la colère de Candide devant tant d’absurdité et
d’ingratitude. L’apparence de Cunégonde détourne désormais quiconque de
tout désir d’union.
Chapitre XXX : En Orient, le jardin
Attaché à une domination aristocratique qui n’a plus cours, le baron
s’avère incapable d’évoluer et s’exclut de la nouvelle communauté.
Celle-ci, privée des richesses de l’Eldorado, doit trouver en elle-même
les ressources pour développer, non sans mal, la modeste métairie dans
laquelle elle s’est installée. Cacambo en a assez de cultiver les
légumes ; le caractère de Cunégonde se dégrade ; Pangloss souffre de ne
pouvoir briller. Seul, Martin, avec son fatalisme habituel, s’accommode
de la situation. Tous philosophent cependant, alors que Paquette et le
frère Giroflée les rejoignent. La devise d’un bon vieillard turc donne
sens à ce jardin comme promesse de vie : « le travail éloigne de nous
trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. ». Candide la fait
sienne et tous l’acceptent : « chacun se mit à exercer ses talents » et
la petite société prend sens.
Ce jardin métaphorique constitue le point d’aboutissement d’un périple
qui, à partir d’un lieu clos et hiérarchisé, a conduit à parcourir un
monde extérieur, hanté par le mal et la violence, et un monde intérieur
plus trouble encore, permettant à Candide de se révéler. L’Eldorado est
déterminant puisqu’il propose l’espoir d’un autre système social, appuyé
sur le consentement collectif. Le jardin, par la place laissée à chacun
et la reconnaissance de son travail, ouvre l’espace d’une liberté et
d’un bonheur, certes plus modestes mais assurément plus fiables.